NOW FUTURE > par Laurent Minguet


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Lettre # 03 (25/03/05)

Bâtiment thermo-efficace
Argumentaire en faveur des toits plats

Bâtiment thermo-efficace

Il existe deux méthodes complémentaires pour enrichir votre ménage.

La première consiste à augmenter vos revenus en cherchant un travail mieux rémunéré ou en faisant des heures supplémentaires. C’est le modèle compétitif. Hélas, il n’est pas toujours aussi aisé de gagner davantage d’argent, car nous n’avons pas les qualifications requises pour décrocher un emploi par ailleurs de plus en plus rare.

La deuxième méthode consiste à diminuer vos dépenses sans nécessairement réduire votre niveau de vie. Par exemple, en consommant davantage de poulet et moins de bœuf, vous allégerez votre addition autant que votre taux de cholestérol. De la même manière, arrêter de fumer diminuera vos dépenses en améliorant votre santé. En retrouvant votre souffle et votre odorat, votre qualité de vie augmentera également. Avec une voiture plus économe en carburant, en décidant d’habiter moins loin de votre lieu de travail, vous pouvez aussi économiser de l’argent tout en augmentant votre qualité de vie entravée par de longues navettes quotidiennes. C’est le modèle de l’efficience : « faire plus avec moins ».

Ces choix microéconomiques sont également bons pour la macroéconomie de votre région. En évitant l’importation d’une tonne de pétrole, on conserve plus de 250 EUR de richesse et probablement davantage dans le futur. Cette richesse peut alors être utilisée à des dépenses plus pertinentes que d’augmenter le taux de CO2 atmosphérique comme la santé, l’éducation, l’environnement...

Le chauffage des bâtiments est probablement le gisement d’économie le plus évident à mettre en œuvre. En effet, la Belgique consomme chaque année plus de 14 millions de tonnes équivalent pétrole pour ses bâtiments, lanterne rouge d’efficacité énergétique en Europe.

La facture s’élève donc à plus de 4 milliards d’euros. Le double si nous revenions au prix des années 81-83 (en monnaie constante).

La solution est de construire des bâtiments thermo-efficaces dont le besoin en chauffage est quatre fois moindre que la plupart des constructions. En Belgique, un immeuble moyen requiert 100 kWh/m2 par an pour le chauffage soit plus de 10 litres de pétrole par m2. La construction thermo-efficace nécessite seulement 25 kWh/m2/an soit moins de 3 litres de pétrole par m2.

Ainsi, pour chauffer une maison de 350m2, il suffira d’un m3 de mazout par an. Au prix actuel du mazout, environ 400 EUR le m3, cela représente une économie de plus de 1.000 EUR chaque année.

Ce genre de maison existe depuis plusieurs années. Il fait appel aux principes de construction bio-climatique connus depuis des décennies ainsi qu’à des technologies plus récentes de régulation électronique – la domotique – et des matériaux isolants plus performants.

En gros, cela consiste à placer des grandes baies vitrées au sud et minimiser les fenêtres au nord où l’architecte localise les pièces dont la température peut être plus basse comme le garage, le hall, les débarras,... La ventilation y est bien contrôlée pour un air de qualité sans trop d’humidité ni de CO2. L’habitation est également conçue pour éviter un excès de température en été. En période de canicule, elle se refroidit naturellement par circulation d’air frais pendant la nuit. Il n’y a donc pas besoin de climatisation gourmande en électricité.

Autant que possible, la lumière naturelle est diffusée dans le bâtiment pour réduire les besoins en éclairage artificiel. Ce bâtiment est donc avant tout confortable et sain.

La domotique ajoute au confort en faisant réaliser des économies d’énergie. Par exemple, les lampes s’allument automatiquement sur votre passage pour vous éviter le tracas d’allumer et d’éteindre sans arrêt. Le chauffage des pièces est programmé pour éviter de chauffer inutilement un local vide, mais les détecteurs de présence rétabliront automatiquement le chauffage dès que vous y êtes. De même, le système de chauffage se coupera si vous oubliez de fermer une fenêtre en plein hiver afin d’éviter de chauffer la rue ou le jardin.

Esthétiquement, la maison thermo-efficace n’est pas très différente des maisons traditionnelles. Elle est réalisée avec des briques ou des blocs, du béton, du bois, des doubles vitrages,...mais un soin particulier est donné pour réaliser une bonne isolation, éviter les ponts thermiques, les infiltrations d’air,...

Le système de chauffage peut être traditionnel - c’est-à-dire au gaz ou au mazout - mais les faibles besoins en énergie permettent la mise en œuvre d’un système de pompe à chaleur par chauffage au sol ou un chauffage au bois.

Toute autre chose étant égale, l’application de ces techniques n’augmente pas ou peu le coût de la construction par rapport aux techniques traditionnelles. Par contre, l’économie cumulée sur la vie du bâtiment –typiquement une centaine d’années – pourrait dépasser son coût.

Ainsi, le bâtiment thermo-efficace est prévu pour affronter les hausses inéluctables du prix de l’énergie aussi bien électrique que fossile dont certains pensent qu’il pourrait tripler d’ici 2020. Dans ce cas, la facture énergétique d’un bâtiment traditionnel dépasserait les 4.000 EUR par an. 200.000 EUR sur 50 ans durée de vie minimale de la construction.

Il est clair que la valeur de revente d’un bâtiment thermo-efficace sera nettement supérieure à un bâtiment quelconque si cher à chauffer. Exactement comme les voitures d’occasion consommant beaucoup se revendent plus mal que les véhicules plus sobres. En tant que propriétaire, vous préservez la valeur de votre patrimoine. Si vous louez votre bien, vous trouverez plus facilement des locataires prêts à payer un peu plus cher pour bénéficier d’une facture d’énergie plus basse. Tout le monde y gagne.

De plus, les économies d’énergie ménagent la planète. Moins de CO2, c’est moins de perturbations climatiques liées à l’effet de serre. Cela permet de diminuer les nuisances dues au transport et à l’utilisation des carburants : marées noires, encombrements routiers, pollutions de l’air provoquant troubles respiratoires et cancers.

Un bâtiment thermo-efficace vous procure aussi le plaisir de participer concrètement au développement durable.

Si toutes les constructions en Belgique étaient thermo-efficaces, nous réaliserions une économie de plus de 3 milliards d’EUR chaque année soit plus de 90.000 emplois directs, car ce qui n’est pas dépensé en fumée pourrait l’être en service ou en investissement.

En effet, la mise en œuvre de ces principes permet le développement de technologies durables dans des nouvelles entreprises.

D’autres pays européens comme la Suède nous ont devancés dans cette réflexion avec des bâtiments moins énergétivores malgré un climat plus rude. L’Europe a d’ailleurs transcrit ces idées dans une directive qui sera d’application entre 2006 et 2009 visant à respecter le protocole de Kyoto ainsi qu’à rendre l’Europe moins sensible au coût de l’énergie.

De plus en plus de promoteurs, d’architectes, de corps de métiers sont informés par les actions de la Région Wallonne concrétisées dans le programme « Construire avec l’énergie ».

On me demande souvent s’il est possible d’atteindre ces performances avec des bâtiments existants. C’est, hélas, plutôt l’exception que la règle. En effet, il n’est quasi pas possible de soulever une maison pour l’isoler correctement du sol, ni de pratiquer des coupes chirurgicales pour se débarrasser de tous les ponts thermiques, ni de la réorienter vers le sud, etc. Bien entendu, le patrimoine immobilier peut avoir davantage de valeur que quelques tonnes de pétrole. Nous n’allons pas reconstruire des églises gothiques thermo-efficaces. Mais dans le cas de vieux bâtiments quelconques, il est nettement plus économique d’en construire de nouveaux que de tenter de les transformer en profondeur. De plus, les performances atteintes n’iront guère au-delà d’une consommation annuelle de 5 litres par m² au lieu de 3 litres pour un thermo-efficace.

Curieusement, la TVA sur les nouvelles constructions est de 21 % alors qu’elle n’est que de 6 % sur la rénovation de bâtiments existants. Involontairement, le gouvernement guide le consommateur davantage vers le rafistolage que la bonne solution dans la plupart des cas. Il aurait pourtant intérêt à favoriser ce type de construction afin d’enrichir le pays tout en créant un emploi moyennement à peu qualifié, difficilement délocalisable.

Il existe bien entendu une kyrielle de primes pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, mais elles sont chacune limitées à quelques centaines d’euros et ne favorisent pas davantage les bâtiments thermo-efficaces que les anciens.

L’ensoleillement d’un bâtiment thermo-efficace est crucial. Certaines règles d’urbanisme doivent être adaptées afin de l’optimiser. Ainsi, la construction de nouvelles voiries doit privilégier la direction est-ouest pour permettre d’orienter la façade captive au sud. Dans le cas de voiries existantes, il faut permettre d’orienter les bâtiments par rapport au soleil. Une utilisation rationnelle des sols et des matériaux conduit à privilégier la toiture plate souvent boudée par l’administration pour des raisons discutables (voir article). Ici également, l’administration et le monde politique a son rôle à jouer pour améliorer notre ordinaire.

Un autre intérêt de promouvoir ce type de bâtiment est de favoriser des développements technologiques comme les échangeurs de chaleur, les convertisseurs de courant, les panneaux solaires thermiques et photovoltaïques, la microcogénération, le chauffage au sol, la domotique de régulation et d’économie d’énergie. Bien sur, certaines de ces technologies existent déjà, mais doivent être développées. Cette technologie est souvent associée à un service local pour assurer le support et la maintenance. D’ailleurs, si le bâtiment utilise davantage de technologie, un entretien régulier par un spécialiste polyvalent sera plus efficace et surtout moins coûteux que les interventions actuelles qu’on sollicite, en général, quand le problème apparaît. Beaucoup de personnes ont le même comportement avec leur propre corps. Il consulte quand « cela fait mal » aux dents, au ventre, à la tête...souvent trop tard. Il vaut nettement mieux prévenir que guérir comme une automobile requiert un examen de contrôle à intervalle régulier et pas uniquement quand on coule une bielle ou qu’on crève un pneu.

Un métier du futur sera le spécialiste du bâtiment qui inspectera chaque année tous les équipements pour les régler, changer les pièces usuelles et réorienter vers un spécialiste en cas de problèmes graves ou complexes.

Le modèle de l’efficience génère en effet beaucoup d’emplois locaux à l’inverse du modèle compétitif qui tend à délocaliser la main d’œuvre dans les pays où elle est moins chère car on y pratique souvent un dumping social ou environemental.

L’avenir est ce que nous en ferons...si on nous laisse faire.

Laurent MINGUET

25 mars 2005

Email : laurent « at » minguet.be

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Argumentaire en faveur des toits plats

Nous devons accorder une attention particulière à l’efficacité énergétique des bâtiments afin de réduire la consommation de chauffage ainsi que la consommation électrique. Ceci notamment en prévision de la transposition de la directive européenne sur les performances intégrées des logements approuvée fin 2002 ainsi que l’augmentation du coût des énergies fossiles et le respect du protocole de Kyoto.

Les bâtiments doivent donc soigner particulièrement l’isolation de la toiture, valoriser l’énergie solaire passive et active.

A volume chauffé égal, le toit plat revient nettement moins cher à isoler que le toit en pente.

De plus, sa moindre hauteur limite l’ombre portée du bâtiment ce qui permet de rapprocher l’habitation voisine située au nord – à 4 fois la hauteur du bâtiment situé au sud - et donc de concentrer l’habitat. Par exemple, une toiture de 10m de base dont la pente est de 45° s’élève à 3,5 mètres, ce qui impose au bâtiment nord de s’écarter de 14 mètres supplémentaires. Pour les habitations construites sur deux niveaux, il faudra consommer inutilement plus de 50% d’espace entre les bâtiments pour éviter l’ombre des toits en pente.

Sous nos latitudes, le solaire actif cherche à optimiser la captation en période hivernale. Ceci impose des inclinaisons de 60°-65° de panneaux solaires orientés plein sud. La pente de la toiture, généralement comprise entre 25° et 45°, n’est donc pas idéale. Le toit plat permet de positionner parfaitement le panneau solaire au milieu du toit. On peut également y installer d’autres éléments techniques comme une antenne satellite ou des capteurs photovoltaïques (PV) dont on peut augmenter le rendement en modifiant l’inclinaison tout au long de l’année.

Le toit plat permet d’installer une toiture végétale ou un système de refroidissement par lame d’eau en période de canicule. Ces techniques permettent de refroidir le bâtiment sans y installer de climatiseur limitant ainsi la consommation en électricité.

Le toit plat peut également être utilisé comme zone d’agrément, solarium ou observatoire pour les amateurs d’astronomie.

Avec le solaire actif, le bâtiment nécessite une maintenance régulière au niveau du toit. Grâce à son accès aisé, le toit plat renforce la sécurité des techniciens. Environ 10% des décès dans le secteur de la construction sont causés par les chutes de toits, plus de 50 personnes. Beaucoup de ces drames pourraient être évités grâce aux toits plats et aux habitations peu élevées.

Au XX e siècle, de grands architectes comme Le Corbusier ont souvent utilisé le toit plat ainsi que les liégeois Englebert , Vandenhove, l’Equerre ...

« Nous ne pouvons pas exclure le toit plat pour de seules raisons esthétiques, en niant ses nombreux avantages socio-économiques et techniques »

Il y a vingt ans, les constructeurs automobiles nous ont proposé des véhicules aérodynamiques. Certains ont été perturbés par ces formes bizarres et novatrices. Nous viendrait-il à l’idée de les interdire pour cette seule raison ?

Il est d’ailleurs curieux que l’installation de climatiseurs, de halls industriels, d’antennes satellite, de garages, d’enseignes qui ne constituent pas des plus values esthétiques pour les bâtiments soient accueillis avec davantage de bienveillance.

L’intérêt social, économique et environnemental doit retrouver sa place réelle par rapport à un problème esthétique mal posé et mal résolu si l’on juge la qualité architecturale de nombreuses villas à toit pentu.

Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens de badiner avec l’économie et la santé publique.

Laurent MINGUET

Email : laurent « at » minguet.be

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